Jouets connectés : Méfiez-vous des poupées et robots qui violent la vie privée de vos enfants... et la vôtre !
C’est la période des fêtes : le moment est venu de trouver le prochain cadeau de vos enfants ! Les Playmobil et Lego étant un peu trop muets à votre goût, vous penchez cette année pour les jouets dits « connectés », tels la poupée « My Friend Cayla » et le robot « I-QUE ». Méfiez-vous, bien qu’innovants, ces jouets ne respectent pas toujours la vie privée de vos enfants ! Il n’en fallait bien pas moins à la CNIL pour mettre la main dessus…
Qu’est-ce qu’un objet
connecté ?
Les objets
connectés sont des objets dotés de moyen de communication avec ou sans fil
(Wi-Fi, Bluetooth) qui prennent souvent la forme d’objets d’apparence anodine (poupées,
robots, etc.) et qui collectent des informations. On les retrouve dans de
nombreux domaines, comme la domotique, le sport, le bien-être et la santé, les
activités de loisirs, etc.
Ces objets
peuvent être autonomes ou peuvent fonctionner avec un smartphone ou une
tablette. Ce dernier sert de télécommande pour les contrôler directement ou
servir de relais pour échanger des données sur Internet. Ces données sont alors
consultables sur l’appareil mobile ou sur le service web de l’éditeur.
Cependant, l’utilisation
mal contrôlée ou non sécurisée d’un jouet connecté peut confronter les
enfants/utilisateurs à des problématiques importantes.
Qui sont la poupée « My Friend Cayla » et le robot « I-QUE » ?
Ce sont des
jouets qui répondent aux questions posées par les enfants sur divers sujets
tels que des calculs mathématiques ou encore la météo.
Ils équipés d’un
microphone et d’un haut-parleur et sont associés à une app. La réponse est
extraite d’Internet par l’application et donnée à l’enfant par l’intermédiaire
des jouets.
Mise en demeure publique
En date du 04
décembre, la CNIL (le régulateur des données personnelles en France) a mis en
demeure la société GENESIS INDUSTRIES LIMITED (basée à Hong-Kong mais
distribuant les objets en France) de procéder à la sécurisation des deux
jouets.
Elle a constaté,
après certaines vérifications, que cette société « collecte une multitude d’informations personnelles sur les enfants et
leur entourage : les voix, le contenu des conversations échangées avec les
jouets (qui peut révéler des données identifiantes comme une adresse, un nom…)
mais également des informations renseignées dans un formulaire de l’application
‘My Friend Cayla App’ ».
Plus précisément,
les données personnelles visées sont :
- La voix d’une personne (avis du G29 n° 4/2007
du 20 juin 2007) ;
- Le contenu des conversations échangées avec
les jouets qui est associé aux adresses adresses IP des
utilisateurs ; et
- Le contenu des conversations échangées avec
les jouets qui peut révéler les données directement ou indirectement
identifiantes des enfants mais aussi de membres de leur entourage, dès
lors que les enfants pourraient être amenés dans le cadre du jeu, à
confier une multitude d’informations dont par exemple leur nom, prénom,
adresse etc.
Plusieurs
manquements à loi Informatique et Libertés ont été constatés dont notamment :
Le non-respect de la vie privée
et des libertés individuelles
Les contrôleurs
de la CNIL ont constaté qu’une personne située à une distance de 9 mètres
des jouets à l’extérieur d’un bâtiment, pouvait connecter (ou « appairer ») un
smartphone aux jouets via Bluetooth sans avoir à s’authentifier (avec un code PIN
ou un bouton sur le jouet).
Elle était
également en mesure d’entendre et d’enregistrer les paroles échangées entre
l’enfant et le jouet ou encore toute conversation se déroulant à proximité de
celui-ci.
Une fois la 1ère
connexion effectuée, un deuxième appairage pouvait aussi s’effectuer à une
distance de 20 mètres.
La CNIL a
également relevé qu’il était possible de communiquer avec l’enfant situé à
proximité de l’objet par deux techniques :
- soit en diffusant via l’enceinte du jouet des
sons ou des propos précédemment enregistrés grâce à la fonction dictaphone
de certains téléphones ;
- soit en utilisant les jouets en tant que «
kit main libre ». Il suffit alors d’appeler le téléphone connecté au jouet
avec un autre téléphone pour parler avec l’enfant à proximité du jouet.
Et de conclure
que le défaut de sécurisation des jouets constituait bien un manquement à
l’article 1er de la loi Informatique et Libertés selon lequel
l’informatique « ne doit porter atteinte
ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux
libertés individuelles ou publiques ».
Manquement à l’obligation
d’informer les personnes
Après
l’installation de l’application My Friend Cayla App, un formulaire de demande
d’informations relatives à l’enfant s’affiche. Les clients sont amenés à
renseigner diverses informations comme le
prénom de l’enfant, celui de ses parents, le nom de son école, son lieu
d’habitation, etc.
Cependant, le
formulaire ne contenait aucune information relative aux traitements de données
à caractère personnel mis en œuvre.
Il ressort
également des constats de la CNIL que les conditions d’utilisation et les
politiques de confidentialité des applications My Friend Cayla App et iQue
Robot app étaient incomplètes en ce qu’elles n’indiquaient notamment pas les
transferts de données à caractère personnel à destination des Etats-Unis de
l’UE.
En outre, la
politique de confidentialité des sites ique-robot.com et myfriendcayla.com ne
contenait aucune information relative à la nature des données transférées, à la
finalité du transfert, aux catégories de destinataires des données et au niveau
de protection offert par le pays destinataire.
Ces faits
constituaient immanquablement un manquement à l’article 32-I de la Loi Informatique
et Libertés.
Manquement à l’obligation
d’assurer la sécurité et la confidentialité des données
Il ressort
également des investigations de la CNIL que la transcription en texte des
conversations échangées entre les utilisateurs et les jouets est envoyée depuis
le serveur de la société vers les applications en cause via le protocole non
chiffré HTTP.
Or, dans le cadre
des discussions entre les enfants et les jouets, certaines données à caractère
personnel seront amenées à être fournies par les enfants et donc traitées par
la société et son prestataire.
Par conséquent, la
sécurité et la confidentialité des données n’était donc pas assurée à l’occasion
des échanges avec la société dans la mesure où il n’existait aucun chiffrement
du canal utilisé.
Ces faits
constituent eux aussi un manquement à l’article 34 de la Loi Informatique et
Libertés qui dispose que « le
responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au
regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement,
pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient
déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès »
.
Et maintenant ?
La société
GENESIS INDUSTRIES LIMITED doit se conformer à la loi Informatique et Libertés
dans un délai de deux mois.
Passé ce délai,
si la société ne se conforme pas, la CNIL pourra désigner un rapporteur qui
proposera le cas échéant à la formation restreinte de la CNIL de prononcer une
sanction (la peine d’amende pouvant atteindre 1.500.000 €).
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